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"Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux" Paul Valéry


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Y-a-t-il quelque chose de pourri au Conseil Constitutionnel?

dimanche 30 décembre 2012



Le 29 décembre 2012, le Conseil Constitutionnel a rendu sa décision sur le projet de loi de financespour 2013 (PLF 2013). Définitivement adopté par l'Assemblée nationale en dernière lecture le 20 décembre dernier, la rapidité de la décision du Conseil Constitutionnel doit être saluée étant donné la complexité d'un texte de 65 articles et de plus de 200 pages. Il faut donc bien admettre que les "sages" de la rue de Montpensier conservent encore toutes leurs facultés mentales, tant les anciens présidents de la République, membres de droit et dont l'âge avancé pouvait laisser craindre le pire, que son Président, dont les mauvais esprits ont toujours douté du fait qu'il dispose de la moindre faculté intellectuelle.

C'est cependant moins la composition du Conseil Constitutionnel, toujours aussi contestable, que la portée et les motivations de sa décision 2012-662 DC relative à la loi de finances pour l'année 2013 (PLF 2013) qui suscitent notre interrogation. Si le Conseil Constitutionnel a jugé le PLF 2013 globalement conforme à la Constitution en acceptant une augmentation de la fiscalité estimée à 30 milliards d'euros, la soumission des revenus du capital et des dividendes au barème de l'impôt sur le revenu, alors même que le taux de prélèvements sociaux des premiers sont plus élevés que ceux des revenus d'activité, et le retour de l'impôt sur la fortune à un taux marginal de 1,5 %, l'annulation de certains articles du PLF 2013 laisse perplexe.

De jurisprudence constante, le Conseil Constitutionnel veille à ce que les impôts votés par le Parlement ne présentent ni une "charge excessive" ni un "caractère confiscatoire" pour les contribuables. Ces notions sont tellement vagues qu'elles peuvent être utilisées en toutes circonstances et remettre en cause chaque projet de loi de finances et ainsi tous les objectifs budgétaires,  fiscaux et économiques du Gouvernement. Pourtant, c'est bien ce dernier qui détient, avec le Parlement, la légitimité démocratique face à une institution dont le mode de nomination ne garantit malheureusement pas l'impartialité.

Ainsi, en censurant plusieurs dispositions du PLF 2013, il semble que le  Conseil Constitutionnel a abusé de son pouvoir en ne se contentant  pas de contrôler la conformité de la loi à la Constitution. Tout d'abord, si le Conseil Constitutionnel valide l'augmentation du taux marginal d'imposition à 45% pour les revenus supérieurs à 150 000 €, il s'inquiète étrangement de son impact sur les "retraites-chapeau", dont le taux d'imposition pourrait atteindre 75 % (article 3 du PLF 2013). Jugeant ce montant excessif pour les riches retraités, le Conseil Constitutionnel, en annulant la disposition, limite l'imposition de ces retraites à ... 68 %. On a du mal à comprendre pourquoi un taux de 75 % serait jugé excessif par nos vieux sages alors qu'un taux de 68 % ne le serait pas. Ce faisant, le Conseil Constitutionnel prive le Gouvernement et le Parlement de leur faculté de déterminer souverainement les taux d'imposition qu'ils souhaitent appliquer à certains types de revenus.

De la même façon, la volonté du Gouvernement de soumettre les gains tirés des stocks-options à l'impôt sur le revenu a été limitée par le Conseil Constitutionnel parce qu'elle pouvait conduire à une charge excessive pour certains contribuables dont l'imposition pouvait atteindre 77 %. Le Conseil a donc censuré les nouveaux niveaux d'imposition pour les ramener à leur niveau initial soit 64,5 % (article 11 du PLF 2013). Encore une fois, on peut s'interroger sur cette censure du Conseil Constitutionnel puisque le taux de 64,5 % peut aussi paraître excessif. Pourquoi donc le Conseil Constitutionnel n'est-il pas allé encore plus loin en limitant par exemple le niveau d'imposition à 40% ou 50%? C'est l'extrême subjectivité du Conseil Constitutionnel qui est ici contestable: il outrepasse ses fonctions en déterminant arbitrairement des seuils au-delà desquels les charges fiscales sont considérées comme excessives ou confiscatoires alors que la Constitution n'en prévoit aucun.

Encore plus emblématique est la censure de l'article 12 du PLF 2013. Celui-ci devait introduire une taxation exceptionnelle des revenus de 75 % au-delà d'un million d'euros de gains en 2013 et en 2014. Rappelons que seule la part du revenu au-delà du million d'euro devait être taxée à 75 %, si bien que le taux moyen d'imposition aurait été en réalité bien plus faible.

En fait d'un taux marginal d'imposition sur le revenu de 75 % comme dénoncé par ses opposants, le PLF 2013 prévoyait en fait une taxe additionnelle de 18 % sur les revenus d'activité. Le taux de 75% n'était atteint qu'en prenant en compte le nouveau taux marginal maximum d'imposition (45%), la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (4 % pour les revenus supérieurs à 500000 euros) et les contributions sociales (8 % pour la CSG et la CRDS). En fait, le taux marginal de l'impôt sur le revenu au-delà du million d'euros n'aurait pas dépassé les 67 % si l'on exclut les contributions sociales, lesquelles ne sont habituellement pas prises en compte dans le calcul de l'impôt sur le revenu.

Pour cette disposition, le Conseil Constitutionnel n'a pas fondé sa décision sur la charge excessive qu'une telle taxation pouvait représenter pour le contribuable (il serait étonnant de le voir considérer que des contribuables gagnant plus d'un million d'euros par an ne possèdent pas une capacité contributive suffisante). Il a justifié sa censure sur la rupture d'égalité entre foyers fiscaux parce que la "taxation à 75 %" était individualisée: elle prenait en compte le revenu d'un seul individu et non celui de l'ensemble du foyer fiscal. Pourtant,  la "conjugalisation" et la "familiarisation" de l'impôt (addition de l'ensemble des revenus d'un foyer fiscal divisés ensuite par le nombre de parts fiscales) ne constituent pas une exigence constitutionnelle, même si l'impôt sur le revenu est bel et bien conjugalisé et familiarisé aujourd'hui. Rien n'empêche de modifier ce principe et l'utilisation de quotients (familial et conjugal) pour calculer l'impôt sur le revenu, notamment le quotient conjugal, est critiquable. Certes, ils permettent de prendre en compte la capacité contributive réelle des foyers fiscaux et sont donc conformes à l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (la contribution de chacun doit dépendre de ses facultés); mais ils sont aussi à la source de stratégies d'optimisation fiscale qui ne sont pas acceptables.

La récente décision du Conseil Constitutionnel a donc ceci de choquant qu'elle annule des dispositions de la loi de finances pour 2013 en se fondant uniquement sur des appréciations subjectives que le Conseil utilise quand bon lui semble, et non sur des principes constitutionnels solides. Il est vrai que le Conseil Constitutionnel n'a eu - officiellement - que 9 jours pour étudier le PLF 2013: il s'est donc sûrement précipité pour trouver des arguments capables de censurer certaines dispositions du PLF 2013. Le problème est que le Conseil Constitutionnel ne convainc pas lorsqu'il se réfère aux notions de "charges excessives" pour le contribuable et de "caractère confiscatoire" de l'imposition. Ces notions jurisprudentielles demeurent trop vagues et subjectives et autorisent ainsi le Conseil Constitutionnel à annuler toute disposition inscrite dans une loi de finances au gré de son humeur du jour ou de son orientation politique.
                                                                                                         aleks.stakhanov@gmail.com

La démocratie française en cause

samedi 8 décembre 2012



La comédie de Boulevard affligeante à laquelle ont participé les dirigeants d’un des plus grand parti français, qui au passage auront réussi à évincer médiatiquement la mobilisation de Notre Dame des Landes ou encore le sommet de Doha sur le réchauffement climatique, nous laisse penser en tant que spectateur de l’arène politique que les raisons de cette scène de ménage dépassent l’enjeu de la seule présidence d’un parti politique. De nombreuses affaires montrent que, de droite comme de gauche, les hommes et femmes politiques sont exposés aux situations de conflit d’intérêt, à la pression des lobbys, aux tentations de montages financiers et fiscaux exotiques.

En politique, les individus seraient-ils d’avantage motivés par la recherche d’intérêts personnels plutôt que par la défense de l’intérêt général ? Les Français pensent que oui. Une récente enquête sur la perception de la corruption en France en 2012 montre que 70% des français considèrent que leurs représentants politiques sont corrompus. D'après Transparency International, la France se situerait ainsi au 22ème rang mondial et au 9ème rang européen des pays les moins corrompus aux yeux de l’opinion publique.

La politique française fait face à une sérieuse crise de confiance mettant en péril le bon fonctionnement de la démocratie. Derrière cette crise de confiance se cachent probablement une crise de la démocratie représentative. Les dernières élections législatives de juin 2012 ont donné lieu à un taux d’abstention record. 40% des électeurs français n’ont pas pris part à cette élection qui n’est pourtant pas mineure étant donné qu'elle consiste à élire ceux qui votent les lois en France. A mesure que l’abstention monte, la légitimité électorale de nos représentants politiques baisse, bien que leurs pouvoirs restent le même. Le sentiment de coupure avec la classe politique ne cesse de monter.

On observe une chute de l’engagement politique et syndical. Moins de 2% des électeurs adhérent à un parti, de même seulement 8% de la population active est syndiqué. Les dysfonctionnements de la démocratie représentative s’illustrent aussi à travers la composition extrêmement homogène de « l’élite politique ». En effet, aujourd'hui, nous comptons en France seulement 27% de femmes parmi nos députés, moins de 1% d’élus issus des catégories populaires (employés et ouvriers). La moyenne d’âge des députés français est de 55 ans quand celle des sénateurs reste supérieure à 60 ans. Les personnes issues de l’immigration sont également très mal représentées.

Pour Loïc Blondiaux, chercheur en sciences politiques à Paris I et auteur notamment de « La fabrique de l’opinion » et d’un ouvrage intitulé « Lenouvel esprit de la démocratie », nous assistons aujourd'hui à la fin de « l’évidence démocratique », à la fin de l’illusion représentative où le vote à intervalle régulier pour des représentants suffirait à garantir lesprincipes de la démocratie

Une commission sur la moralisation de la vie politique présidée par Lionel Jospin a bien rendu un rapport au Président de la République en lien avec cette problématique mais celui-ci reste encore timide. Cette crise de confiance politique devrait au contraire nous inciter à mener une réflexion ambitieuse sur nos institutions politiques. Pour améliorer la vie politique, nous devons nous appuyer sur des modes d’organisations différents avec des instances plus participatives, nousinspirer d’expérience étrangère, démocratiser la représentation, et chercher à accroître les capacités réelles du citoyen à exercer et exprimer son propre jugement, à mettre en place les conditions d’une vrai délibération.

C’est à la condition d’une remise en cause de fond du fonctionnement politique que les français retrouveront goût à la politique.